1. Maître Caroline Bourghoud
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Dans quelle conditions peut-il y avoir donation rémunératoire entre époux ?

Les donations entre époux sont classiques et courantes.
 
Au regard de l’évolution de la famille, le droit des donations entre époux s’est enrichi au cours des années afin de s’adapter à la société.
 
Les donations entre époux ont un impact indéniable sur les divorces et sur les successions.
 
Aussi, des litiges peuvent surgir, au moment du divorce ou du décès de l’un d’eux, relativement à des donations consenties entre époux soumis au régime de la séparation de biens.
 
Seules sont ici abordées les donations rémunératoires entre époux, étant précisé que celles-ci concernent les époux séparés de biens.
 
 
Il arrive qu’un époux contribue à la prospérité financière de son conjoint soit, à travers une collaboration professionnelle soit, à travers une activité déployée au sein du foyer.
 
Le conjoint bénéficiaire peut, en contrepartie de cette activité, remettre des fonds à son époux ou épouse pour lui permettre d’acquérir un bien ou constituer une épargne.
Il est alors question de donation rémunératoire.
 
Cependant, dans le régime de la séparation des biens, d’inévitables interférences surviennent entre diverses notions dont, la contribution aux charges du mariage et la donation rémunératoire.
 
En régime de séparation des biens, la contribution aux charges du mariage engendre de nombreux flux financiers entre les conjoints, pour lesquels il doit être procédé à une analyse minutieuse afin d’aboutir à leur qualification juridique.
 
De la qualification juridique retenue concernant les sommes circulant dans le couple, découleront des conséquences distinctes.
 
Cependant, la qualification juridique de flux financiers entre des époux séparés de biens est parfois délicate à appréhender.
 
 
En vertu de la loi, la contribution aux charges du mariage est répartie entre les époux séparés de biens à hauteur de leurs facultés respectives, en considération de leurs ressources pécuniaires et de leurs revenus.
 
En séparation de biens, la jurisprudence tente d’atténuer la rigueur de ce régime matrimonial en faveur de l’époux dont la situation est la plus « délicate » (sans fortune personnelle, sans profession etc…), en limitant son obligation de contribution aux charges du mariage.
 
Il a été parfois jugé que toute activité fournie par un époux et excédant ce qu’il doit à son conjoint au titre de la contribution pouvait être qualifiée de donation rémunératoire.
 
Un arrêt rendu le 9 février 2022 (1ère Civ.  n° 20-14.272) illustre parfaitement cette situation.
 
Dans le cas d’espèce, W V est décédé le 27 août 2013, en laissant pour lui succéder son épouse séparée de biens, Mme Z épouse V, et ses quatre enfants, G et T, nés d’une précédente union ainsi que M et X.
De son vivant, W V a vendu un bien propre et a encaissé deux chèques résultant de cette vente sur un compte indivis ouvert au nom des deux époux V.
Ultérieurement, une somme de 457 000,00 € a été débitée au moyen d’un chèque tiré sur ce compte indivis, la même somme de 457 000,00 € ayant été versée par Mme V sur un contrat d’assurance sur la vie souscrit à son seul nom.
 
C’est dans ce contexte que G et T V ont assigné leurs cohéritiers en partage de la succession, en faisant valoir que celle-ci aurait une créance à l’encontre de Mme Z épouse V.
G et T V ont été déboutés de leur demande par arrêt de la Cour d’Appel de VERSAILLES du 14 janvier 2020.
 
La Cour d’Appel, dans son arrêt, a relevé que la mise à disposition par W V de la somme de 457 000,00 € à son épouse s’analysait en une donation rémunératoire ne pouvant donner lieu à rapport, il était établi par deux attestations de Mmes E et J que Mme Z  épouse V, avait eu le désir de monter son propre cabinet de publicité mais que son époux s’y était opposé, qu’elle avait cessé toute activité professionnelle en 1991 et s’était occupée de manière plus intensive des enfants et de son conjoint.
 
G et T V ont alors formé un pourvoi à l’encontre de cet arrêt.
 
La Cour de cassation a confirmé la Cour d’Appel en énonçant : « La cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés, que, lorsque son époux avait liquidé sa société, en 1991, Mme Z, alors âgée de 39 ans, avait cessé toute activité professionnelle et s’était occupée de manière plus soutenue des enfants et de son conjoint, permettant à celui-ci de gérer ses affaires.
Elle a relevé que celle-ci, qui disposait d’une qualification et d’une expérience professionnelle lui permettant de faire carrière dans la publicité et de créer son propre cabinet, avait ainsi perdu des revenus conséquents et des droits à la retraite.
Elle en a souverainement déduit que Mme Z avait apporté au ménage plus que sa simple contribution aux charges du mariage et que la mise à sa disposition de la somme de 457 000 euros par son époux avait eu pour cause la volonté de celui-ci de compenser ses sacrifices et son intense activité au foyer ».
 
Il en résulte que la remise par le mari à son épouse de la somme de 457 000,00 € avait pour objet de l’indemniser de ses sacrifices et de son activité intense au foyer qui ont outrepassé sa contribution aux charges du ménage.
 
Dans les deux arrêts précités, il a été souligné que W V s’est opposé à ce que son épouse retravaille, cet abandon de carrière lui ayant fait perdre des gains et salaires conséquents que lui aurait rapportés l’exercice de sa profession ainsi que la perte des droits à la retraite alors qu’elle n’avait travaillé que 17 ans.
 
C’est au regard de tous ces critères qu’il a été jugé que la somme litigieuse constituait une donation rémunératoire.
 
La donation rémunératoire est un acte à titre onéreux qui n’est pas soumis à une demande en rapport ou en réduction des libéralités.
 
La donation rémunératoire correspond à une récompense de services rendus trouvant sa cause dans la rémunération du conjoint au titre de sa collaboration professionnelle ou son activité dans la direction du foyer, sous réserve que ladite activité ait excédé la contribution aux charges du mariage lui incombant.
 
Cette donation est la contrepartie d’une contribution excessive aux charges du mariage du conjoint.


Le cabinet de Maître BOURGHOUD, avocat à MARSEILLE, peut vous conseiller sur ce point. Vous pouvez nous contacter par courriel ou par téléphone.
 
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