Divers conflits se produisent dans le cadre d’une indivision, engendrant un contentieux abondant.
Une source de litiges récurrente est relative aux comptes de l’indivision
Les comptes de l’indivision permettent de distinguer si un indivisaire détient une créance envers l’indivision ou s’il est débiteur envers celle-ci.
Les créances susceptibles d’être revendiquées par un indivisaire auprès de l’indivision sont variées.
Il peut s’agir des frais d’entretien du bien indivis, des frais permettant la conservation ou l’amélioration du bien indivis, le paiement des charges de copropriété afférentes à l’immeuble indivis, le remboursement des mensualités du prêt souscrit pour financer le bien indivis etc….
Le créancier de l’indivision sera payé sur la masse indivise avant le partage, au prorata de sa part dans l’indivision.
Si les principes régissant les comptes de l’indivision sont bien établis par les textes du Code Civil et la jurisprudence, une question était en débat en ce qui concerne le moment à partir duquel commence à courir le délai de prescription d’une créance qu’un indivisaire détient envers l’indivision.
C’est à cette interrogation que répond un arrêt rendu le 14 avril 2021 (Civ. 1ère FS-P n° 19-21.313).
Dans le cas d’espèce, il s’agissait d’un couple de concubins, Madame J. et Monsieur M. ayant acquis en indivision une maison d’habitation ainsi qu’un commerce et ont souscrit à cet effet conjointement un emprunt bancaire.
En janvier 2009, Monsieur M. a quitté l’immeuble à la suite d’un litige avec Madame J.
Compte tenu de la situation conflictuelle régnant entre eux, les coindivisaires ont décidé de mettre fin à l’indivision.
Après ouverture du partage judiciaire de l’indivision, l’immeuble indivis a été vendu et le solde de l’emprunt remboursé.
Les deux indivisaires n’ayant pu s’accorder sur la répartition du reliquat du prix, le notaire désigné a, le 18 décembre 2014, dressé un procès-verbal de difficultés.
C’est dans ces circonstances que le 20 juin 2016, Monsieur M. a assigné Madame J. afin d’obtenir une indemnité d’occupation pour utilisation privative de l’immeuble ainsi que le paiement de la moitié des sommes dont il a assumé seul le remboursement au titre de l’emprunt bancaire.
Dans les faits, Monsieur M. ayant payé les échéances de l’emprunt afférent à l’immeuble indivis entre décembre 2001 et mars 2013 inclus, soit après avoir quitté l’immeuble indivis, en sollicite le remboursement.
En réplique, Madame J. invoque les dépenses de conservation et d’amélioration faites ainsi que le remboursement exclusif de l’emprunt d’avril 2013 à juillet 2014, tout en soutenant que les créances relatives aux échéances de l’emprunt payées avant le 19 décembre 2009 étaient prescrites.
La Cour d’Appel de METZ, dans un arrêt du 2 février 2019, fait droit aux demandes du Monsieur M. et lui affecte l’intégralité du reliquat du prix
La Cour d’Appel condamne par ailleurs Madame J. à verser la somme complémentaire de 7 421,07 €.
Madame J. forme alors un pourvoi en cassation.
La première chambre civile de la Cour de Cassation rejette certains moyens soutenus par Madame J et énonce : « un indivisaire qui a conservé à ses frais un bien indivis peut revendiquer une créance sur l’indivision et être payé par prélèvement sur l’actif indivis, avant le partage ….. cette créance, immédiatement exigible, se prescrit selon les règles de droit commun ….».
La Cour indique que « la créance était exigible dès le paiement de chaque échéance de l’emprunt immobilier » et constate qu’une partie des créances retenues ne pouvaient l’être du fait de la prescription.
Les enseignements suivants peuvent être tirés de cet arrêt :
- les indivisaires créanciers de l’indivision ne sont pas tenus d’attendre l’issue des opérations de partage et peuvent être payés par prélèvement sur l’actif ;
- les créances de l’indivision sont soumises à la prescription de droit commun, soit le délai de cinq ans, tel que prévu par l’article 2224 du Code Civil ;
- le point de départ de la prescription est celui du paiement de chaque échéance de l’emprunt bancaire qui fait naître la créance contre l’indivision ;
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