1. Maître Caroline Bourghoud
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Détention des clés et indemnité d'occupation

L’indivision est une situation dans laquelle des personnes sont titulaires de droits de même nature sur un ou plusieurs bien (s) sans qu’aucune d’entre elles n’ait de droit exclusif sur une partie déterminée.
 
L’indivision est une situation complexe dans la mesure où, il s’agit d’une propriété collective sur un bien pour laquelle les titulaires ou coindivisaires ont des droits identiques.
 
Cette propriété collective se matérialise par le fait que les coindivisaires ont un droit de propriété sur le bien indivis et sont titulaires d’une quote-part matérialisée sous la forme d’une fraction de droits de même nature.
 
Les coindivisaires bénéficient de diverses prérogatives sur le bien indivis, notamment ils peuvent en profiter ou en percevoir les fruits et revenus.
 
Les coindivisaires étant propriétaires d’une quote-part du bien indivis, ils bénéficient à ce titre de prérogatives, telle la possibilité d’accomplir certains actes juridiques.
 
Dans le fonctionnement d’une indivision, une multitude de flux financiers interviennent dont les finalités sont variées telles, les dépenses d’entretien ou d’amélioration du bien indivis, le paiement d’impôts, la rémunération de l’indivisaire gérant etc…
 
Les sommes payées par les indivisaires font l’objet de différends abondants au moment des opérations de comptes, liquidation et partage de l’indivision.
 
Une autre catégorie de somme fait aussi l’objet d’un contentieux important dans l’indivision à savoir ; l’indemnité d’occupation.
 
Un indivisaire doit à l’indivision une indemnité d’occupation lorsque par son comportement, il empêche ses coindivisaires d’exercer leur droit de jouissance sur le bien indivis.
 
Selon une jurisprudence ancienne (Civ. 1ère 8 juillet 2009 no 07-19.465), une telle jouissance privative du bien indivis résulte de « l’impossibilité de droit ou de fait pour les coïndivisaires d’user de la chose ».
 
A cet effet, l’article 815-9 du Code civil stipule que l’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité.
 
Cette indemnité d’occupation est due par l’indivisaire même en l’absence d’une occupation effective des lieux (Civ. 1ère 23 juin 2010 no 09-13.250). 
 
Le postulat de départ est que la jouissance exclusive d’un bien indivis par un indivisaire le rend redevable d’une indemnité d’occupation.
 
Les décisions de justice permettent d’appréhender les situations dans lesquelles un indivisaire peut être redevable d’une indemnité d’occupation.
Le plus souvent, le critère de la détention exclusive des clés par un indivisaire est retenu.
 
Cependant, dans de nombreuses décisions et au regard des circonstances, il a été jugé que l’indemnité d’occupation n’était pas due, malgré le fait que le bien indivis avait été utilisé par un indivisaire, dès lors que l’occupation du bien n’avait pas exclue les autres indivisaires pour une même utilisation.
 
Ainsi, le paiement d’une indemnité d’occupation a été exclue dans les cas suivants :

- Lorsque l’occupation privative avec jouissance exclusive n’a pas eu pour effet d’écarter les indivisaires non occupants (Civ. 1ère 13 janvier 1998 no 95-12.471) ;
- Lorsque la pension alimentaire a été fixée en tenant compte de l’occupation gratuite du logement (Civ. 1ère 25 juin 2002 no 98-22.882) ;
- Lorsque l’occupation du bien indivis résulte d’un legs, le légataire occupant n’étant pas tenu d’indemniser l’indivision (Civ. 1ère 24 septembre 2014 no 12-26.486) ;
- Lorsqu’une veuve opte pour le quart des biens de la succession en pleine propriété et les trois quarts en usufruit tandis que sa belle-fille reçoit les trois quarts en nue-propriété (Civ. 1ère 15 mai 2013 n° 11-24.217 F-PBI) ;
- Lorsque l’utilisation privative n’interdit pas l’usage du bien indivis aux autres coïndivisaires (Civ. 1ère 5 novembre 2014 n° 13-11.304 F-PB) ;
- Lorsque l’indivisaire occupe l’immeuble indivis en qualité de locataire, titulaire d’un bail verbal, peu importe à cet égard que la valeur locative du bien soit nettement supérieure au montant du loyer acquitté (Civ. 1ère 18 mars 2020 n° 19-11.206) ;
 
 
Un arrêt rendu le 20 septembre 2023 (Civ. 1ère n° 21-23.877 F-D) illustre de quelle manière tous les éléments factuels doivent être pris en compte pour déterminer s’il y a lieu ou non au versement d’une indemnité d’occupation.
 
Dans ce cas d’espèce, des époux respectivement décédés les 17 novembre 2001 et 16 mai 2004, ont laissé pour leur succéder deux enfants I et B.
Des difficultés sont apparues lors des opérations de comptes, liquidation et partage des successions.
Une maison d’habitation faisant partie de l’indivision avait été louée puis libérée par le locataire qui l’occupait.
Mme B épouse C a alors fait une demande d’indemnité d’occupation relative à ce bien.
Par arrêt de la Cour d’appel de NIMES du 5 août 2021, il a été considéré que l’absence de relocation de ce bien n’implique pas que l’indivisaire qui a récupéré les clés en a fait un usage privatif. 
 
Un pourvoi en cassation a été formé contre cet arrêt.
 
Dans son arrêt du 20 septembre 2023, la Cour de Cassation énonce :
« Pour rejeter la demande de Mme C en paiement d’une indemnité d’occupation pour la maison d’habitation Est, l’arrêt retient que l’absence de relocation de ce bien à compter du mois de juin 2015 n’implique pas que M. Ac a fait un usage privatif des lieux après le congé donné par le locataire et qu’il ne peut être redevable d’une indemnité d’occupation au seul motif que les clés lui auraient été restituées par le locataire.
En statuant ainsi, alors que la jouissance privative d’un immeuble indivis résulte de l’impossibilité de droit ou de fait pour les coïndivisaires d’user de la chose et que la détention des clés, en ce qu’elle permettait à son détenteur d’avoir seul la libre disposition d’un bien indivis, est constitutive d’une jouissance privative et exclusive, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
 
Cet arrêt s’inscrit dans une jurisprudence classique qui implique que le détenteur des clés d’un bien indivis bénéficie de sa jouissance à titre privatif.
 
Pour être exonéré du paiement d’une indemnité d’occupation, le détenteur des clés du bien indivis doit d’une part, mettre à la disposition de ses coindivisaires des doubles des clés et d’autre part, être en mesure de justifier de cette mise à disposition.
 
Le cabinet de Maître BOURGHOUD, avocat à MARSEILLE, peut vous conseiller sur ce point. Vous pouvez nous contacter par courriel ou par téléphone.
 
 
 
 
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