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La vie privée et le droit à l'information

L’article 9 du Code Civil stipule que chacun a droit au respect de sa vie privée.

De nombreux textes relatifs à la protection de la vie privée existent en droit, tels la Convention européenne des droits de l’homme ou des articles dans différents codes.

Lorsqu’il y a une atteinte à la vie privée cela ouvre droit à réparation.

La vie privée s’entend de manière très large et englobe des informations personnelles sur un individu telles, la vie sentimentale, la vie sexuelle, la vie conjugale (divorce, adultère etc…), l’état de santé (physique et mental), la pratique religieuse, la situation financière (état de fortune ou dettes), l’adhésion à un syndicat ou à un parti politique, l’adresse du domicile, le numéro de sécurité sociale, le profil internet, les références bancaires etc…

La tenue de fichiers impose aux autorités étatiques de mettre en place des mesures afin d’éviter toute atteinte injustifiée à la vie privée des citoyens.

Il ne peut y avoir d’immixtion non autorisée dans la vie privée d’autrui. 
Le droit de contrôle dont chacun dispose sur ses informations personnelles qui relève du droit au respect de la vie privée permet de s’opposer à la révélation de faits relatifs à celle-ci.
Ainsi, les prérogatives du droit au respect de la vie privée permettent à une personne de consentir à une immixtion dans sa vie privée ou de s’y opposer. 

Le droit au respect de la vie privée peut parfois être atténué selon la profession ; fonction publique politique, artistique etc…

Les atteintes à la vie privée sont multiples et se manifestent sous diverses formes.

Une question récurrente en jurisprudence est relative à la divulgation volontaire par une personne de faits la concernant, notamment lorsqu’elle livre au public, de son propre chef, des renseignements afférents à sa vie privée. 

Les mouvements #Balancetonporc et #Metoo ont permis une libération de la parole des victimes qui était indispensable et bénéfique. 

Au niveau de la jurisprudence, ces mouvements ont engendré des débats et des interrogations sur la confrontation entre d’une part, le droit au respect de la vie privée et d’autre part, le droit du public à être informé sur une question de société.

C’est dans ce contexte qu’un arrêt a été rendu le 5 juin 2024 (Civile 1ère FS-B n° 23-12.525).

Dans ce cas d’espèce, Mme I a déposé une plainte pour viol contre Mr S, célèbre producteur de cinéma français.
Le 19 mai 2018, un organe de presse a relaté la plainte pour viol déposée par Mme I et publié une photographie montrant les deux protagonistes avec un sous-titre faisant référence à une liaison épisodique.

Mme I a attaqué en justice l’organe de presse pour atteinte à l’intimité de sa vie privée et à son droit à l’image.
Elle a demandé la suppression de cet article et la réparation de ses préjudices.

Par arrêt de la Cour d’Appel de PARIS du 30 novembre 2022, Mme I a été déboutée de ses demandes au motif que l’article s’inscrit dans un débat d’intérêt général majeur relatif aux comportements à connotation sexuelle et non consentis dans le cadre de relations professionnelles.
Dans cet arrêt, il est indiqué que l’article incriminé vise à informer le public d’une nouvelle plainte relative à un viol commis dans le milieu du cinéma, ce dernier impliquant un producteur mondialement connu et l’article adopte un ton particulièrement neutre, employant le conditionnel et se conclut sur les interrogations du milieu du cinéma sur d’éventuelles plaintes susceptibles d’être déposées par d’autres actrices.
Enfin, les juges ont estimé que l’article litigieux s’inscrivait dans le contexte des mouvements #Balancetonporc et #Metoo et ont rejeté les demandes de Mme I en écartant toute atteinte illégitime à la vie privée. 

Mme I a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt en invoquant une différence essentielle dans la démarche faite par les victimes, à savoir pour les unes, de porter au grand jour les comportements à connotation sexuelle et non consentis dans le cadre de relations professionnelles et, pour l’autre (Mme I), la volonté de rester anonyme en ne révélant pas publiquement les faits litigieux.
Mme I soutenait que la Cour d’Appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile.

La Cour de Cassation dans son arrêt du 5 juin 2024 a cassé et annulé l’arrêt du 30 novembre 2022 sur le fondement de l’article 455 du Code de Procédure Civile, en énonçant :

« Pour rejeter les demandes de Mme I, l'arrêt retient que l'article s'inscrit dans un débat d'intérêt général majeur relatif aux comportements à connotation sexuelle et non consentis intervenant dans le cadre de relations professionnelles …
En statuant ainsi, alors que l'identité d'une plaignante, souhaitant rester anonyme, ne peut être révélée que si cette information contribue à nourrir le débat d'intérêt général, la cour d'appel, qui n'a pas répondu aux conclusions de Mme [I], qui soutenait qu'elle n'avait pas souhaité médiatiser l'affaire à la différence des victimes s'inscrivant dans les mouvements #balancetonporc et #metoo mais saisir la justice d'une plainte en conservant l'anonymat, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. »

La particularité de cet arrêt est que Mme I souhaitait préserver son anonymat et éviter toute médiatisation de son affaire.

Divers enseignements peuvent être tirés de la jurisprudence relative à la matière : 

- L’identité d’une plaignante, souhaitant rester anonyme, ne peut être révélée que si cette information contribue à nourrir le débat d’intérêt général ;
- Si le sujet à l’origine d’un article de presse relève de l’intérêt général, il faut en plus que le contenu de l’article soit de nature à nourrir le débat public sur le sujet en cause ;
- Le droit au respect de l’intimité de la vie privée peut se heurter aux droits d’information du public et de la liberté d’expression ;
- La publication doit avoir un lien direct avec l’actualité ;

Selon une décision de la CEDH du 10 novembre 2015 (n° 40454/07) pour vérifier qu’une publication portant sur la vie privée d’autrui ne tend pas uniquement à satisfaire la curiosité d’un certain lectorat mais constitue également une information d’importance générale, il faut apprécier la totalité de la publication et rechercher si celle-ci, prise dans son ensemble et au regard du contexte dans lequel elle s’inscrit se rapporte à une question d’intérêt général. 

Le droit au respect de la vie privée doit être comparé au droit du public d’être informé sur une question relevant de l’intérêt général.

L’équilibre entre des intérêts qui sont parfois contradictoires doit être trouvé, ce qui constitue une recherche complexe.

Le cabinet de Maître BOURGHOUD, avocat à MARSEILLE, peut vous conseiller sur ce point. Vous pouvez nous contacter par courriel ou par téléphone.

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