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Le sort du contrat souscrit sous l'empire d'un trouble mental

Le contrat est un engagement souscrit entre deux ou plusieurs personnes.
Il est l’aboutissement d’un processus de négociations entre des personnes dont la validité sera établie par la réunion de diverses conditions.
 
L’article 1101 du Code civil donne du contrat la définition suivante : « Le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. »
 
L’article 1128 du Code civil énumère les conditions de validité du contrat à savoir ; le consentement des parties, leur capacité de contracter et un contenu licite et certain.
 
Seule est ici envisagée la validité du contrat sous l’angle de la capacité à contracter.
 
Des articles du Code civil précisent qu’il faut être sain d’esprit pour consentir valablement à un contrat.
 
Des litiges peuvent survenir lorsqu’un contrat est conclu sous l’empire de troubles altérant les facultés mentales ou le discernement.
Ces troubles sont de divers ordres.
Il peut s’agir de troubles liés à la maladie, à la sénilité, à l’alcool, à la drogue etc…
 
L’existence d’un trouble affectant une partie à un contrat doit d’une part, revêtir une certaine gravité et d’autre part, être actuel au moment de sa conclusion si un cocontractant veut le remettre en cause.
 
Dans certaines situations la preuve de l’existence d’un trouble affectant une partie lors de la conclusion d’un contrat peut être aisée à rapporter si l’inaptitude de la personne qui en est atteinte est notoirement connue ou si un placement sous tutelle intervient peu de temps après sa souscription.
 
Il résulte de la jurisprudence une multitude de situations dans lesquelles un contrat a été souscrit par une personne sous l’empire d’un trouble.
 
L’insanité englobe toutes les formes d’affections mentales engendrant un dérèglement du discernement (déficience mentale, perte des capacités cognitives, apparition de la maladie d’Alzheimer etc…).
 
L’altération des facultés physiques est aussi prise en compte, tel que cela résulte de diverses décisions.
Ainsi, dans un arrêt du 25 septembre 2013 (Cass. 1ère civ. n° 12-23197) relatif à la modification de la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie par son souscripteur, il a été tenu compte pour l’annuler de l’état de celui-ci qui deux mois avant son décès, après une intervention chirurgicale et pendant son hospitalisation dans une unité de soins palliatifs, avait signé l’avenant y afférent.
 
Enfin, la preuve de l’insanité d’esprit peut résulter de la teneur même du contrat (un contrat de vente à un prix dérisoire ou bail consenti pour un loyer anormalement faible).
 
Le contrat souscrit par une partie sous l’empire d’un trouble mental peut être remis en cause à travers une action en nullité.
 
A cet effet, l’article 414-1 du Code civil énonce que pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit et il incombe à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte.
 
Or, une telle preuve n’est pas toujours facile à établir, tel que cela résulte d’un arrêt rendu le 14 septembre 2023 (Cass. 3ème civ. n° 22-19.223 F-D).
 
Dans le cas d’espèce, une société civile immobilière P (la Promettante) et Mr X (le Bénéficiaire) « agissant au nom et pour le compte de la communauté » existant avec son épouse ont conclu le 23 avril 2018 une promesse synallagmatique de vente portant sur un immeuble.
La promesse de vente n’a pas été réitérée par un acte authentique.
La SCI P ou la Promettante a assigné le Bénéficiaire et Mme X en paiement de la pénalité contractuelle et en indemnisation de ses préjudices.
Le Bénéficiaire a répliqué en demandant l’annulation de la promesse synallagmatique de vente sur le fondement de l’article 414-1 du Code civil.
Par arrêt de la Cour d’Appel de VERSAILLES du 19 mai 2022, le Bénéficiaire et Mme X ont été condamnés à payer à la Promettante la somme de 87 500,00 € au titre de la pénalité contractuelle.
 
Le Bénéficiaire et Mme X ont formé un pourvoi en cassation en faisant, à nouveau, valoir des documents médicaux, dont une expertise psychiatrique du docteur G en date du 4 mars 2021.
Ils soutenaient que Mr X se trouvait dans un état l’empêchant de consentir valablement à la promesse de vente conclue le 23 avril 2018.
 
La Cour de Cassation rejette leur pourvoi en indiquant : «  La cour d'appel a relevé que le certificat médical du 16 février 2021 ne faisait état que d'un suivi psychiatrique depuis 2014, pour une cause ignorée, et que l'expertise psychiatrique établie non contradictoirement le 4 mars 2021 par un médecin rémunéré par le bénéficiaire, si elle devait être prise en compte pour avoir été versée régulièrement aux débats, n'apportait que des informations insuffisantes voire inexactes sur la date d'apparition de symptômes d'une pathologie indéterminée.
Par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments qui lui étaient soumis … elle a pu en déduire que la preuve de l'altération des facultés mentales du bénéficiaire à la date de signature de la promesse de vente n'était pas rapportée et a justifié sa décision. »
 
Il en ressort que la preuve du trouble mental de Mr X ou le Bénéficiaire n’a pas été retenue malgré les documents médicaux qu’il a communiqués en justice.
 
Lorsque la preuve d’un trouble mental au moment de la souscription d’un contrat est rapportée, celui-ci encourt la nullité à titre de sanction.
La nullité de l’acte comme sanction est parfaitement justifiée dans la mesure où, la personne atteinte d’un trouble mental ne comprend pas la portée de son engagement.
Le contrat est alors considéré comme n’ayant jamais été conclu.
 
La charge de la preuve de l’existence du trouble mental au moment de la souscription de l’acte incombe au demandeur en nullité.
 
Une telle preuve peut être rapportée par tous moyens, tels une expertise médicale, des témoignages, etc…
Le recours à un certificat médical est parfaitement envisageable.
En effet, la jurisprudence admet depuis longtemps la communication de certificats médicaux afin de démontrer l’insanité d’esprit d’une personne, le professionnel étant déchargé de son obligation au secret relativement aux faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de sa profession.
 
Dans les divers actes de la vie juridique, il convient de prendre en compte la vulnérabilité de certaines personnes, leur état de faiblesse et leurs pathologies afin d’éviter une remise en cause de leur validité.

Le cabinet de Maître BOURGHOUD, avocat à MARSEILLE, peut vous conseiller sur ce point. Vous pouvez nous contacter par courriel ou par téléphone.
 
 
 
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