Dans les contrats, le professionnel est tenu envers son cocontractant d’une obligation de renseignement et d’un devoir de conseil.
En cas de manquement à ceux-ci, la responsabilité civile contractuelle du professionnel est sont susceptible d’être recherchée.
L’obligation de renseignement et le devoir de conseil s’appliquent à diverses professions telles ; l’avocat qui est investi d’un devoir de compétence dans l’accomplissement de sa mission notamment lorsqu’il élabore ses actes, le notaire qui doit assurer l’efficacité juridique de ses actes, le banquier qui a un devoir de mise en garde envers le client non averti etc…
Il existe une jurisprudence abondante sur l’obligation de conseil du professionnel, dont l’étude démontre une certaine complexité quant à sa mise en œuvre et son étendue.
C’est ce qu’illustre un arrêt 3 mars 2020 (n° 17/04661).
Dans ce cas d’espèce, un individu, M.X qui exploitait, dans les années 1990, en nom propre une double activité de restaurateur et de marchand de biens avait acquis plusieurs fonds de commerce de restaurants sous le régime de marchand de biens qu’il a exploités.
En 1995, consécutivement à des difficultés, M.X a entrepris la restructuration ses activités afin d’individualiser le risque lié à chacune de ses sociétés.
Il a ainsi, durant l’année 1996, constitué trois sociétés dédiées chacune à l’exploitation d’un fonds de commerce et apporté à chacune d’elle un fonds de commerce qu’il avait acquis sous le régime de marchand de biens.
Une vérification fiscale des activités de M.X a eu lieu et l’administration fiscale remettant en cause le choix fiscal opéré à l’occasion de ces apports, lui a notifié deux redressements relatifs à un rappel de TVA sur la cession d’un des fonds de commerce et au titre des BIC.
Des recours ont été exercés devant les juridictions administratives, M.X s’étant vu notifier le paiement de cotisations et d’impositions.
C’est dans ce contexte que M.X a recherché la responsabilité de l’expert-comptable alors chargé des opérations de restructuration de ses activités pour manquement à son obligation de conseil.
Suivant jugement du 9 janvier 2017, le Tribunal de Grande Instance d'EVRY a déclaré recevable l’action de M.X mais l’a débouté de ses demandes.
M.X a interjeté appel du jugement précité.
La Cour d’Appel de PARIS dans son arrêt du 3 mars 2020 a réformé le jugement entrepris en décidant que l’expert-comptable est responsable pour ne pas avoir conseillé son client sur la fiscalité d’une opération.
La Cour a ainsi motivé sa décision : « Ayant accepté dans l'exercice de ses activités juridiques accessoires d’établir les contrats d'apports en société, et étant de surcroît rémunéré pour ces prestations, l’expert-comptable était tenu d’informer et d’éclairer de manière complète son client sur les effets de l'opération projetée et particulièrement sur les incidences fiscales….
Les compétences personnelles du client ne déchargent pas non plus le professionnel de son obligation de conseil et de mise en garde…
En définitive, le préjudice en lien avec le manquement relevé, réside uniquement dans la perte de chance pour M.X d’avoir pu évaluer correctement l’incidence fiscale de l'opération, d’appréhender le fait qu’elle n’était pas éligible au sursis à paiement et de préparer dans de meilleures conditions financières son projet. Il n’est en revanche pas établi qu'il disposait de réelles alternatives pour éviter une imposition des plus-values, compte tenu de son obligation de vendre à bref délai les fonds acquis sous le régime de marchand de biens.
Prenant en considération le caractère très limité de cette perte de chance, la cour l’évaluera à 10.000 euros… ».
Il résulte de cet arrêt les enseignements suivants :
- la responsabilité civile contractuelle de l’expert-comptable a été retenue pour manquement à son obligation d’information et de conseil envers le client ;
- l’expert-comptable ne pouvait pas s’exonérer de sa responsabilité en faisant valoir qu’il ignorait sous quel régime juridique les fonds avaient été achetés car il devait en tout état de cause se renseigner sur le statut des biens en question afin de prodiguer un conseil tenant compte de celui-ci ;
- les compétences personnelles de son client sont indifférentes ;
- l’étendue de l’obligation d’information et de conseil de l’expert-comptable rédacteur d’acte ne se limite pas aux seuls aspects juridiques d’une opération dont son client le charge mais porte sur toutes les incidences de l’opération que le client a besoin de connaître pour prendre une décision éclairée sur sa mise en œuvre, les incidences fiscales comptant parmi les plus importantes compte tenu de leurs conséquences financières.
En vertu de cet arrêt, l’étendue des obligations de l’expert-comptable est bien spécifiée, il lui incombe de s’interroger sur divers aspects de l'opération projetée par le client.
Le cabinet de Maître BOURGHOUD, avocat à MARSEILLE, peut vous conseiller sur ce point. Vous pouvez nous contacter par courriel ou par téléphone.